Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 10.djvu/140

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On était arrivé aux premiers jours de juillet. Christophe faisait le compte de ce que ces quelques mois à Paris lui avaient apporté : beaucoup d’idées nouvelles, mais peu d’amis. Des succès brillants et dérisoires : retrouver son image, l’image de son œuvre, affaiblie ou caricaturée, dans des cerveaux médiocres, cela n’a rien de réjouissant. Et de ceux dont il eût aimé à être compris, la sympathie lui manquait ; ils n’avaient pas accueilli ses avances ; il ne pouvait se joindre à eux, quelque désir qu’il eût de s’associer à leurs espoirs, de leur être un allié ; on eût dit que leur amour-propre inquiet se défendît de son amitié et trouvât plus de satisfaction à l’avoir pour ennemi. Bref, il avait laissé passer le flot de sa génération, sans passer avec lui ; et le flot de la génération suivante ne voulait pas de lui. Il était isolé, et ne s’en étonnait pas, toute sa vie l’y ayant habitué. Mais il jugeait que maintenant il avait conquis le droit, après ce nouvel essai, de retourner dans son

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