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LA NOUVELLE JOURNÉE

— Petit Français raisonneur !

— Je voudrais être musicien, dit Georges.

— Eh bien, il n’est pas trop tôt pour t’y mettre. Veux-tu que je t’apprenne ?

— Oh ! je serais si heureux !

— Viens demain. Je verrai ce que tu vaux. Si tu ne vaux rien, je te défends de mettre jamais les mains sur un piano. Si tu as des dispositions, nous essaierons de faire de toi quelque chose… Mais je t’avertis : je te ferai travailler.

— Je travaillerai, dit Georges, ravi.

Ils prirent rendez-vous pour le lendemain. Au moment de sortir, Georges se rappela que le lendemain, il avait d’autres rendez-vous, et aussi le surlendemain. Oui, il n’était pas libre avant la fin de la semaine. On convint du jour et de l’heure.

Mais, le jour et l’heure venus, Christophe attendit en vain. Il fut déçu. Il s’était fait une joie enfantine de revoir Georges. Cette visite inattendue avait éclairé sa vie. Il en avait été si heureux et ému qu’il n’en avait pas dormi, de la nuit qui avait suivi. Il songeait, avec une gratitude attendrie, au jeune ami qui était venu le trouver, de la part de l’ami ; il souriait, en pensée, à cette charmante figure : son naturel, sa grâce, sa franchise malicieuse et ingénue, le ravissaient ; il s’abandonnait