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LA FIN DU VOYAGE

au milieu du chemin ; et Christophe n’en avait pas toujours le courage. Il s’amusait à écouter le joyeux bavardage de ce petit être, plein d’esprit et de vie. Quelle différence de nature avec Olivier !… Chez l’un, la vie était une rivière intérieure qui coulait silencieuse ; chez l’autre, elle était tout en dehors : un ruisseau capricieux qui se dépensait à des jeux, au soleil. Et pourtant, la même belle eau pure, comme leurs yeux. Christophe, avec un sourire, retrouvait chez Georges certaines antipathies instinctives, des goûts et des dégoûts, qu’il reconnaissait bien, et cette intransigeance naïve, cette générosité de cœur qui se donne tout entier à ce qu’on aime… Seulement, Georges aimait tant de choses qu’il n’avait pas le loisir d’aimer longtemps la même.

Il revint, le lendemain et les jours qui suivirent. Il s’était pris d’une belle passion juvénile pour Christophe, et il s’appliquait à ses leçons avec enthousiasme… — Et puis, l’enthousiasme faiblit, les visites s’espacèrent. Il vint moins souvent… Et puis, il ne vint plus. Il disparut de nouveau, pour des semaines.

Il était léger, oublieux, naïvement égoïste et sincèrement affectueux ; il avait un bon cœur et une vive intelligence, qu’il dépen-