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LA FIN DU VOYAGE

leva et alla au piano. Il joua, il improvisa pendant une demi-heure ; il se sentait entouré de son amie, et un immense bonheur lui gonflait le cœur ; les yeux fermés, il joua des choses merveilleuses. Elle comprit alors la beauté de cette chambre, toute vêtue de divines harmonies ; elle entendait, comme s’il battait en sa poitrine, ce cœur aimant et souffrant.

Quand les harmonies se furent tues, il resta, un moment encore, immobile, devant le piano ; puis il se retourna, en entendant la respiration de son amie qui pleurait. Elle vint à lui :

— Merci, murmura-t-elle, en lui prenant la main.

Sa bouche tremblait un peu. Elle ferma les yeux. Il fit de même. Quelques secondes, ils restèrent ainsi, la main dans la main ; et le temps s’arrêta…

Elle rouvrit les yeux et, pour se dégager de son trouble, elle demanda :

— Voulez-vous que je voie le reste de l’appartement ?

Heureux, aussi, d’échapper à son émotion, il ouvrit la porte de la chambre voisine ; mais aussitôt, il eut honte. Il y avait là un lit de fer étroit et dur.

(Plus tard, quand il confia à Grazia qu’il