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LA FIN DU VOYAGE

fit disparaître. On en retrouva les lambeaux déchirés, dans un coffre à bois. Grazia perdit patience ; elle gronda sévèrement l’enfant. Alors, il pleura, cria, tapa du pied, se roula par terre ; et il eut une crise de nerfs. Grazia, épouvantée, l’embrassa, le supplia, lui promit tout ce qu’il voulut.

De ce jour, il fut le maître : car il sut qu’il l’était ; et, à maintes reprises, il eut recours à l’arme qui lui avait réussi. On ne savait jamais jusqu’à quel point ses crises étaient naturelles, ou simulées. Il ne se contentait plus d’en user par vengeance, quand on le contrariait, mais par pure méchanceté, lorsque sa mère et Christophe avaient le projet de passer la soirée ensemble. Il en vint même à jouer ce jeu dangereux, par désœuvrement, par cabotinage, et afin d’essayer jusqu’où allait son pouvoir. Il était d’une ingéniosité extrême à inventer de bizarres accidents nerveux : tantôt, au milieu d’un dîner, il était pris de tremblements convulsifs, il renversait son verre ou cassait son assiette ; tantôt, montant un escalier, sa main s’agrippait à la rampe ; ses doigts se crispaient ; il prétendait qu’il ne pouvait plus les rouvrir ; ou bien, il avait une douleur lancinante au côté, et il se roulait avec des cris ; ou bien, il étouffait. Naturellement, il finit par se donner une vraie