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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 10.djvu/214

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LA FIN DU VOYAGE

riait toujours, un menton impérieux. D’intelligence remarquable, nullement sentimentale ; une malice paysanne, un sens précis des affaires, allié à une imagination méridionale qui aimait à voir grand, mais savait en même temps voir à l’échelle exacte, quand c’était nécessaire ; un mélange savoureux de haut mysticisme et de rouerie de vieux notaire. Elle avait l’habitude de la domination et l’exerçait naturellement. Jacqueline fut aussitôt prise. Elle se passionna pour l’œuvre. Elle le croyait, du moins. Sœur Angèle savait à qui la passion s’adressait ; elle était accoutumée à en provoquer de semblables ; sans paraître les remarquer, elle savait froidement les utiliser au service de l’œuvre et à la gloire de Dieu. Jacqueline donna son argent, sa volonté, son cœur. Elle fut charitable, elle crut, par amour.

On ne tarda pas à remarquer la fascination qu’elle subissait. Elle était la seule à ne pas s’en rendre compte. Le tuteur de Georges s’inquiéta. Georges, trop généreux et trop étourdi pour se soucier des questions d’argent, s’aperçut lui-même de l’emprise exercée sur sa mère ; et il en fut choqué. Il essaya, trop tard, de reprendre avec elle son intimité passée ; il vit qu’un rideau s’était tendu entre eux ; il en accusa l’influence oc-