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LA FIN DU VOYAGE

prétendit exiger que sa mère n’écrivît plus à Christophe. Cette fois, elle se révolta ; et cet abus de pouvoir achevant de la délivrer, ce fut alors qu’elle lui dit sur ses mensonges des mots d’une sévérité cruelle, qu’elle se reprocha plus tard comme un crime : car ils jetèrent Lionello dans une crise de fureur, dont il fut réellement malade. Il le fut d’autant plus que sa mère refusa d’y croire. Alors, il souhaita, dans sa rage, de mourir afin de se venger. Il ne se doutait pas que son souhait serait exaucé.

Quand le médecin dut laisser entendre à Grazia que son fils était perdu, elle resta comme frappée de la foudre. Il lui fallut pourtant cacher son désespoir, afin de tromper l’enfant, qui l’avait si souvent trompée. Il soupçonnait que c’était sérieux, cette fois ; mais il ne voulait pas le croire ; et ses yeux quêtaient dans les yeux de sa mère ce reproche de mensonge qui l’avait mis en fureur, alors qu’il mentait. Vint l’heure où il ne fut plus possible de douter. Alors, ce fut terrible pour lui et pour les siens : il ne voulait pas mourir…

Lorsque Grazia le vit enfin endormi, elle n’eut pas un cri, elle ne fit pas une plainte ; elle étonna les siens par son silence ; il ne lui restait plus assez de force pour souffrir ;