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LA FIN DU VOYAGE

que la façon dont Georges, frondeur de nature, impie comme on respire, sans même y prendre garde, qui ne s’était jamais soucié ni de Dieu ni du diable, — un vrai petit Gaulois qui se moque de tout, — brusquement avait déclaré que la vérité était là. Il lui en fallait une ; et celle-ci s’accordait avec son besoin d’action, son atavisme de bourgeois français et sa lassitude de la liberté. Le jeune poulain avait assez vagabondé ; il revenait, de lui-même, se faire attacher à la charrue de la race. L’exemple de quelques amis avait suffi. Georges, ultra-sensible aux moindres pressions atmosphériques de la pensée environnante, fut un des premiers pris. Et Aurora le suivit, comme elle l’eût suivi n’importe où. Aussitôt, ils devinrent sûrs d’eux et méprisants pour ceux qui ne pensaient pas comme eux. Ô ironie ! Ces deux enfants frivoles étaient sincèrement croyants, alors que la pureté morale, le sérieux, l’ardent effort de Grazia et d’Olivier ne leur avaient jamais valu de l’être, malgré tout leur désir.

Christophe observait curieusement cette évolution des âmes. Il n’essayait pas de la combattre, comme l’eût voulu Emmanuel, dont le libre idéalisme s’irritait de ce retour de l’ancien ennemi. On ne