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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 10.djvu/289

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LA NOUVELLE JOURNÉE

Christophe, qui entendait leur langage muet, avait envie de leur dire :

— Ne vous pressez pas tant ! Je me trouve bien, ici. Regardez-moi encore comme quelqu’un de vivant.

Il se divertissait de leur naïve impertinence.

— Dites tout de suite, fit-il avec bonhomie, un jour qu’ils l’avaient accablé de leur air dédaigneux, dites tout de suite que je suis une vieille bête.

— Mais non, mon vieil ami, dit Aurora, en riant de tout son cœur. Vous êtes le meilleur ; mais il y a des choses que vous ne savez pas.

— Et que tu sais, petite fille ? Voyez la grande sagesse !

— Ne vous moquez pas. Moi, je ne sais pas grand’chose. Mais, lui, Georges, il sait.

Christophe sourit :

— Oui, tu as raison, petite. Il sait toujours, celui qu’on aime.

Ce qui lui était beaucoup plus difficile que de se soumettre à leur supériorité intellectuelle, c’était de subir leur musique. Ils mettaient sa patience à une rude épreuve. Le piano ne chômait pas, quand ils venaient chez lui. Il semblait que, pareils aux oiseaux, l’amour éveillât leur ramage. Mais ils n’é-