Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 10.djvu/291

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Il s’entretenait souvent de « ses enfants » — (il les nommait ainsi) — avec Emmanuel. Emmanuel, qui avait de l’affection pour Georges, disait, en plaisantant, que Christophe aurait dû le lui céder, il avait déjà Aurora : ce n’était pas juste, il accaparait tout.

Leur amitié était devenue quasi-légendaire dans le monde parisien, quoiqu’ils vécussent à l’écart. Emmanuel s’était pris d’une passion pour Christophe. Il ne voulait pas la lui montrer, par orgueil ; il la cachait sous des façons brusques ; il le rudoyait parfois. Mais Christophe n’en était pas dupe. Il savait combien ce cœur lui était maintenant dévoué, et il en connaissait le prix. Ils ne passaient pas de semaine, sans se voir deux ou trois fois. Quand leur mauvaise santé les empêchait de sortir, ils s’écrivaient. Des lettres, qui semblaient venir de régions éloignées. Les événements extérieurs les intéressaient moins que certains progrès de l’esprit dans les

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