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LA NOUVELLE JOURNÉE

hautes cheminées. Le fleuve avait achevé de ronger les prairies, où Christophe jouait, enfant. Une rue, (quelle rue !) entre d’immondes bâtisses, portait son nom. Tout était mort du passé, la mort même… Soit ! La vie continuait ; peut-être d’autres petits Christophes rêvaient, souffraient, luttaient, dans les masures de cette rue décorée de son nom. — À un concert de la gigantesque Tonhalle, il entendit exécuter une de ses œuvres, au rebours de sa pensée ; il la reconnut à peine… Soit ! Mal comprise, elle susciterait peut-être des énergies nouvelles. Nous avons semé le grain. Faites-en ce qu’il vous plaît ; nourrissez-vous de nous. — Christophe, se promenant, à la tombée de la nuit, dans les champs autour de la ville, sur lesquels de grands brouillards allaient flottant, pensait aux grands brouillards qui allaient aussi envelopper sa vie, aux êtres aimés, disparus de la terre, réfugiés dans son cœur, que la nuit qui tombait recouvrirait, comme lui… Soit ! Soit ! Je ne te crains pas, ô nuit, couveuse de soleils ! Pour un astre qui s’éteint, des milliers d’autres s’allument. Comme un bol de lait qui bout, le gouffre de l’espace déborde de lumière. Tu ne m’éteindras point. Le souffle de la mort fera reflamber ma vie.

Au retour d’Allemagne, Christophe voulut