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LA NOUVELLE JOURNÉE

Jacob avec l’ange. Sortir du combat, brisé. Adorer sa défaite, comprendre ses limites s’efforcer d’accomplir la volonté du Maître, dans le domaine qu’il nous a assigné. Afin, quand les labours, les semailles, la moisson, quand le dur et beau labeur serait achevé d’avoir gagné le droit de se reposer au pied des monts ensoleillés et de leur dire :

« Bénis soyez-vous ! Je ne goûterai pas votre lumière. Mais votre ombre m’est douce… »

Alors, la bien-aimée lui était apparue ; elle l’avait pris par la main ; et la mort, en brisant les barrières de son corps, avait, dans l’âme de l’ami, fait couler l’âme pure de l’amie. Ensemble, ils étaient sortis de l’ombre des jours, et ils avaient atteint les bienheureux sommets, où, comme les trois Grâces, en une noble ronde, le passé, le présent, l’avenir, se tiennent par la main, où le cœur apaisé regarde à la fois naître, fleurir et finir les chagrins et les joies, où tout est Harmonie…

Il était trop pressé, il se croyait déjà arrivé. Et l’étau qui serrait sa poitrine haletante, et le délire tumultueux des images qui heurtaient sa tête brûlante, lui rappelaient qu’il restait la dernière étape, la plus dure à fournir… En avant !…