Aller au contenu

Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 10.djvu/58

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

42
LA FIN DU VOYAGE

pris d’arracher du tombeau la pensée italienne. Ils souffraient, comme d’une injure, de l’atonie paresseuse et peureuse de l’élite, de sa lâcheté d’esprit, de sa verbolâtrie. Leur voix retentissait dans le brouillard de rhétorique et de servitude morale, accumulé depuis des siècles sur l’âme de la patrie. Ils y soufflaient leur réalisme impitoyable et leur intransigeante loyauté. Ils avaient la passion de l’intelligence claire, que suit l’action énergique. Capables, à l’occasion, de sacrifier les préférences de leur raison personnelle au devoir de discipline que la vie nationale impose à l’individu, ils réservaient pourtant leur autel le plus haut et leurs plus pures ardeurs à la vérité. Ils l’aimaient, d’un cœur fougueux et pieux. Insulté par ses adversaires, diffamé, menacé, un des chefs de ces jeunes hommes répondait, avec une calme grandeur :


« Respectez la vérité. Je vous parle, à cœur ouvert, libre de toute rancune. J’oublie le mal que j’ai reçu de vous et celui que je puis vous avoir fait. Soyez vrais. Il n’est pas de conscience, il n’est pas de hauteur de vie, il n’est pas de capacité de sacrifice, il n’est pas de noblesse, là où n’existe pas un religieux, rigide et rigoureux respect de la vérité. Exer-