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LA NOUVELLE JOURNÉE

— Alors, si c’est vrai…

— Non, non, n’y revenez pas. Je vous dis que ce serait votre malheur.

— Ne vous inquiétez pas de moi. Je jure d’être heureux ! Mais dites la vérité : vous croyez que vous, vous seriez malheureuse avec moi ?

— Oh ! malheureuse ? mon ami, non. Je vous estime et je vous admire trop, pour être jamais malheureuse avec vous… Et puis, je vous dirai : je crois bien que rien ne pourrait me rendre tout à fait malheureuse, à présent J’ai vu trop de choses, je suis devenue philosophe… Mais à parler franchement, — (n’est-ce pas ? vous me le demandez ; vous ne vous fâcherez pas ?) — eh bien, je connais ma faiblesse, je serais peut-être assez sotte, au bout de quelques mois, pour n’être pas tout à fait heureuse avec vous ; et cela, je ne le veux pas, justement parce que j’ai pour vous la plus sainte affection ; et je ne veux pas que rien au monde puisse la ternir.

Lui, tristement :

— Oui, vous dites ainsi, pour m’adoucir la pilule. Je vous déplais. Il y a des choses, en moi, qui vous sont odieuses.

— Mais non, je vous assure. N’ayez pas l’air si penaud. Vous êtes un bon et cher homme.