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le matin

loin d’être fixée. Tantôt elle rêvait d’épouser un lieutenant, tantôt c’était un poète dans le genre sublime et correct, à la Schiller. Un projet démolissait l’autre ; et le dernier venu était toujours accueilli avec le même sérieux et une égale conviction. Au reste, les uns et les autres étaient tout prêts à céder le pas à une réalité avantageuse. Car il est remarquable de voir avec quelle aisance les jeunes filles romanesques oublient leurs rêves, à l’ordinaire, quand une apparence moins idéale, mais plus sûre, vient se présenter à elles.

Au demeurant, la sentimentale Minna était, malgré qu’elle en eût, tranquille et froide. En dépit de son nom aristocratique et de la fierté que lui donnait sa particule nobiliaire, elle avait une âme de petite ménagère allemande, à l’âge exquis de l’adolescence.