Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 2.djvu/211

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le matin

« Adieu ! Vous m’avez méconnu. Vous m’avez trompé. Je vous déteste.


« Celui qui aime, en dépit de vous, et qui aimera jusqu’à sa mort mademoiselle Minna, parce qu’elle est à lui, et que rien ne peut la lui reprendre. »


À peine eut-il jeté sa lettre à la boîte, qu’il eut la terreur de ce qu’il avait fait. Il essaya de n’y plus penser ; mais certaines phrases lui revenaient à la mémoire ; et il avait une sueur froide, en songeant que madame de Kerich lisait ces énormités. Au premier moment, il était soutenu par son désespoir même ; mais, dès le lendemain, il comprit que sa lettre n’aurait d’autre résultat que de le séparer tout à fait de Minna : et cela lui parut le pire des malheurs. Il espérait encore que madame de Kerich, qui connaissait ses emportements, ne prendrait pas celui-ci au sérieux, qu’elle se contenterait d’une sévère remontrance, et, — qui sait ? — qu’elle serait peut-être touchée par la sincérité de sa passion. Il n’attendait qu’un mot pour se jeter à ses pieds. Il l’attendit cinq jours. Puis vint une lettre. Elle disait :


« Cher Monsieur,

« Puisqu’à votre avis, il y a eu un malentendu, de part et d’autre, entre nous, le plus sage est sans

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