Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 2.djvu/213

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Il faillit mourir. Il pensa à se tuer. Il pensa à tuer. Il se figura au moins qu’il le pensait. Il eut des désirs incendiaires, meurtriers. On ne se doute pas du paroxysme d’amour et de haine, qui dévorent parfois certains cœurs d’enfants. Ce fut la crise la plus terrible de son enfance. Elle mit fin à son enfance. Elle trempa sa volonté. Mais elle fut bien près de la briser pour toujours.

Il ne pouvait plus vivre. Accoudé sur sa fenêtre, pendant des heures, et regardant le pavé de la cour, il songeait, comme quand il était petit, qu’il y avait un moyen d’échapper à la torture de la vie, quand elle devenait trop forte. Le remède était là, sous ses yeux, immédiat… Immédiat ? Qui le savait ?… Peut-être après des heures — des siècles — de souffrances atroces !… Mais si profond était son désespoir d’enfant, qu’il se laissait glisser au vertige de ces pensées.

Louisa voyait qu’il souffrait. Elle ne pouvait se douter avec exactitude de ce qui se passait en lui ;

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