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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 2.djvu/83

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Un dimanche que Christophe avait été invité par son Musik Direktor à venir dîner dans la petite maison de campagne, que Tobias Pfeiffer possédait à une heure de la ville, il prit le bateau du Rhin. Sur le pont, il s’assit auprès d’un jeune garçon de son âge, qui lui fit place avec empressement. Christophe n’y prêta aucune attention. Mais au bout d’un moment, sentant que son voisin ne cessait de l’observer, il le dévisagea. C’était un blondin aux joues roses et rebondies, avec une raie bien sage sur le côté de la tête et une ombre de duvet à la lèvre ; il avait la mine candide d’un grand poupon, malgré les efforts qu’il faisait pour paraître un gentleman ; il était mis avec un soin prétentieux : costume de flanelle, gants clairs, escarpins blancs, nœud de cravate bleu pâle ; et il tenait à la main une petite badine. Il regardait Christophe du coin de l’œil, sans tourner la tête, le cou raide, comme une poule ; et quand Christophe le regarda à son tour, il rougit jusqu’aux oreilles, tira un journal de sa poche, et

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