Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 2.djvu/85

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le matin

— Vous me connaissez donc ? demanda Christophe.

— Oh ! oui ! dit le garçon, d’un ton de naïve admiration, qui chatouilla la vanité de Christophe.

Ils causèrent. Le jeune garçon voyait souvent Christophe au concert ; et son imagination avait été frappée par tout ce qu’il avait entendu raconter de lui. Il ne le disait pas à Christophe ; mais Christophe le sentait, et il en était agréablement surpris. Il n’avait pas l’habitude qu’on lui parlât sur ce ton de respect ému. Il continua d’interroger son voisin sur l’histoire des pays qu’on traversait ; l’autre faisait étalage de ses connaissances toutes fraîches ; et Christophe admirait sa science. Mais ce n’était là que le prétexte de leur entretien : ce qui les intéressait l’un et l’autre, c’était de se connaître eux-mêmes. Ils n’osaient aborder franchement ce sujet. Ils y revenaient de loin en loin par de gauches questions. Enfin ils se décidèrent ; et Christophe apprit que son nouvel ami se nommait « monsieur Otto Diener », et était fils d’un riche commerçant de la ville. Il se trouva naturellement qu’ils avaient des connaissances communes, et peu à peu, leur langue se délia. Ils causaient avec animation, quand le bateau arriva à la ville, où Christophe devait descendre. Otto y descendait aussi. Ce hasard leur parut surprenant ; et Christophe proposa, en attendant l’heure de son dîner, de faire quelques pas ensemble. Ils se lan-

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