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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 3.djvu/171

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La lueur vacillante du jardin s’est éteinte. Tout s’est éteint…

La nuit… Le gouffre… Ni lumière, ni conscience… L’Être. La force de l’Être, obscure et dévorante. La toute-puissante joie. La déchirante joie. La joie qui aspire l’être, comme le vide la pierre. La trombe de désir qui suce la pensée. L’absurde et délirante Loi des mondes aveugles et ivres qui roulent dans la nuit…

La nuit… Leur souffle mêlé, la tiédeur dorée des deux corps qui se fondent, les abîmes de torpeur où ils tombent ensemble… la nuit qui est des nuits, les heures qui sont des siècles, les secondes qui sont la mort… Les rêves en commun, les paroles à yeux clos, les doux et furtifs contacts des pieds nus qui se cherchent à demi-endormis, les larmes et les rires, le bonheur de s’aimer dans le vide des choses, de partager ensemble le néant du sommeil, les images tumultueuses qui flottent dans le cerveau, les hallucinations de la nuit bruissante… Le Rhin clapote dans une anse, au pied de la maison ; dans le lointain, ses flots sur des brisants font comme une petite pluie qui tombe sur le sable. Le ponton du bateau craque et geint sous la pesée de l’eau. La chaîne qui l’attache se tend et se détend avec un cliquetis de ferrailles usées. La voix du fleuve monte, elle remplit la chambre. Le lit semble une barque. Ils sont entraînés,

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