Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 4.djvu/142

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Le lendemain, la même scène faillit se renouveler. Il trouva Corinne devant son miroir, juchée sur un haut tabouret, les jambes pendantes : elle essayait une perruque. Il y avait là son habilleuse et un coiffeur de la ville, auquel elle faisait des recommandations au sujet d’une boucle qu’elle voulait plus relevée. Tout en se regardant dans la glace, elle y regardait Christophe, qui souriait derrière son dos : elle lui tira la langue. Le coiffeur partit avec la perruque, et elle se retourna gaiement vers Christophe :

— Bonjour, ami ! dit-elle.

Elle lui tendait la joue, pour qu’il l’embrassât. Il ne s’attendait pas à être si intime ; mais il n’eut garde de n’en pas profiter. Elle n’attachait pas tant d’importance à cette faveur : c’était pour elle un bonjour comme un autre.

— Oh ! je suis contente ! dit-elle, ça ira bien, ce soir. — (Elle parlait de sa perruque.) — J’étais si désolée ! Si vous étiez venu, ce matin, vous m’auriez trouvée malheureuse comme les pierres.

Il demanda pourquoi.

C’était parce que le coiffeur parisien s’était trompé dans ses emballages, et qu’il lui avait mis une perruque qui ne convenait pas au rôle.

— Toute plate, disait-elle, et tombant tout droit, bêtement. Quand j’ai vu cela, j’ai pleuré, pleuré comme une Madeleine. N’est-ce pas, madame Désirée ?

— Quand je suis entrée, dit celle-ci, Madame m’a fait

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