Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 4.djvu/153

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Française ou non, elle le préoccupait ; car, dans le milieu de la nuit, il se réveilla, avec un serrement de cœur : il venait de se rappeler la valise placée sur la banquette, auprès de la jeune fille ; et brusquement, l’idée que la voyageuse était partie tout à fait lui avait traversé l’esprit. À vrai dire, cette idée aurait dû lui venir, dès le premier instant ; mais il n’y avait pas songé. Il en ressentait une sourde tristesse. Il haussa les épaules, dans son lit :

— Qu’est-ce que cela peut bien me faire ? se dit-il. Cela ne me regarde pas.

Il se rendormit.

Mais, le lendemain, la première personne qu’il rencontra en sortant fut Mannheim, qui l’appela « Blücher », et lui demanda s’il avait décidé de conquérir toute la France. Par cette gazette vivante, il apprit que l’histoire de la loge avait eu un succès qui dépassait tout ce que Mannheim en attendait :

— Grâce à toi ! Grâce à toi ! criait Mannheim. Tu es un grand homme. Je ne suis rien auprès de toi.

— Qu’est-ce que j’ai fait ? dit Christophe.

— Tu es admirable ! reprit Mannheim. Je suis jaloux de toi. Souffler la loge au nez des Grünebaum, et y inviter leur institutrice française à leur place, — non, cela, c’est le bouquet, je n’aurais pas trouvé cela !

— C’était l’institutrice des Grünebaum ? dit Christophe, stupéfait.

— Oui, fais semblant de ne pas savoir, fais l’innocent, je te

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