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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 4.djvu/21

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Bonheur délicieux de se laisser flotter sur le lac de sa pensée !… Couché au fond d’une barque, le corps baigné de soleil, le visage baisé par le petit air frais qui court à la surface de l’eau, il s’endort, suspendu sur le ciel. Sous son corps étendu, sous la barque balancée, il sent l’onde profonde ; sa main nonchalamment y plonge. Il se soulève ; et, le menton appuyé sur le rebord du bateau, comme quand il était enfant, il regarde passer l’eau. Il voit des miroitements d’êtres étranges, qui filent comme des éclairs… D’autres, et puis d’autres… Jamais ils ne sont les mêmes. Il rit au spectacle fantastique qui se déroule en lui ; il rit à sa pensée ; il n’a pas le besoin de la fixer nulle part. Choisir, pourquoi choisir dans ces milliers de rêves ? Il a bien le temps !… Plus tard !… Quand il voudra, il n’aura qu’à jeter ses filets, pour retirer les monstres qu’il voit luire dans l’eau. Il les laisse passer… Plus tard !…

La barque flotte au gré du vent tiède et du courant insensible. Il fait doux, soleil, et silence.