Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 4.djvu/298

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Plusieurs mois se passèrent. Christophe avait perdu tout espoir de sortir de sa ville. Le seul qui eût pu le sauver, Hassler, lui avait refusé son aide. Et l’amitié du vieux Schulz ne lui avait été donnée que pour lui être aussitôt retirée.

Il lui avait écrit, une fois, à son retour ; et il en avait reçu deux lettres affectueuses ; mais par un sentiment de lassitude, et surtout à cause de la difficulté qu’il avait à s’exprimer par lettre, il tarda à le remercier de ses chères paroles ; il remettait de jour en jour sa réponse. Et comme il allait enfin se décider à écrire, il reçut un mot de Kunz, lui annonçant la mort de son vieux compagnon. Schulz avait eu, disait-il, une rechute de bronchite, qui avait dégénéré en pneumonie ; il avait défendu qu’on inquiétât Christophe, dont il parlait sans cesse. En dépit de sa faiblesse extrême et de tant d’années de maladie, une longue et pénible fin ne lui avait pas été épargnée. Il avait chargé Kunz d’apprendre la nouvelle à Christophe, en lui disant que jusqu’à la dernière heure il avait pensé à lui, qu’il le remerciait de tout le bonheur qu’il lui devait, et que sa bénédiction le suivrait, tant que Christophe vivrait. — Ce que Kunz ne disait pas, c’était que la journée passée avec Christophe avait été probablement l’origine de la rechute et la cause de la mort.

Christophe pleura en silence, et il sentit alors tout le prix de l’ami qu’il avait perdu, et combien il l’aimait ; il souffrit, comme toujours, de ne le lui avoir pas mieux dit. Mainte-

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