Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 5.djvu/200

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Il ne cessa point de donner des leçons de piano à Colette ; mais il évita désormais les occasions qu’elle lui offrait de continuer leurs entretiens amicaux. Elle eut beau s’attrister, se piquer, jouer de toutes ses petites roueries : il s’obstina ; ils se boudèrent ; d’elle-même, elle finit par trouver des prétextes pour espacer les leçons ; et il en trouva aussi pour esquiver les invitations aux soirées des Stevens.

Il en avait assez de la société parisienne ; il ne pouvait plus souffrir ce vide, cette oisiveté, cette impuissance morale, cette neurasthénie, cette hypercritique, sans raison et sans but, qui se dévore elle-même. Il se demandait comment un peuple pouvait vivre dans cette atmosphère stagnante d’art pour l’art et de plaisir pour le plaisir. Cependant, ce peuple vivait, il avait été grand, il faisait encore assez bonne figure dans le monde ; du moins, pour qui le voyait de loin, il faisait illusion. Où pouvait-il puiser ses raisons de vivre ? Il ne croyait à rien, à rien qu’au plaisir…

Comme Christophe en était là de ses réflexions, il se heurta dans la rue à une foule hurlante de

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