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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 5.djvu/262

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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

gré à Christophe d’y être, à ce point, insensible ; elle sentait qu’il était une force, et cela lui était sympathique ; mais c’était comique aussi ; et elle se fût bien gardée de prendre sa défense. Seule, la petite Grazia était pénétrée jusqu’aux larmes par cette musique. Elle se dissimulait dans un coin du salon. À la fin, elle se sauva, pour qu’on ne remarquât point son trouble, et aussi parce qu’elle souffrait de voir qu’on se moquait de Christophe.

Quelques jours après, à dîner, Mme Stevens parla, devant elle, de lui faire donner des leçons de piano par Christophe. Grazia fut si troublée qu’elle laissa retomber sa cuiller dans son assiette à soupe, et qu’elle s’éclaboussa, ainsi que sa cousine. Colette dit qu’elle aurait bien besoin d’abord de leçons pour se tenir convenablement à table. Mme Stevens ajouta qu’en ce cas, ce n’était pas à Christophe qu’il faudrait s’adresser. Grazia fut heureuse d’être grondée avec Christophe.

Christophe commença ses leçons. Elle était toute guindée et glacée, elle avait les bras collés au corps, elle ne pouvait remuer ; et quand Christophe posait la main sur sa menotte, pour rectifier la position des doigts et les étendre sur les touches, elle se sentait défaillir. Elle tremblait de jouer mal devant lui ; mais elle avait beau étudier jusqu’à se rendre malade et jusqu’à faire pousser des cris d’impatience à sa cousine, toujours elle jouait mal, quand Christophe était là ;