Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 5.djvu/276

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Il avait abandonné la modeste chambre, — trop chère, — qu’il occupait, pour prendre dans le quartier de Montrouge une mansarde, qui, à défaut d’autres avantages, était très aérée. Un courant d’air perpétuel. Mais il lui fallait respirer. De sa fenêtre, il avait une vue étendue sur les cheminées de Paris, et sur Montmartre dans le fond. Le déménagement n’avait pas été long : une charrette à bras avait suffi ; Christophe l’avait poussée lui-même. De tout son mobilier, l’objet le plus précieux pour lui était, avec sa vieille malle, un de ces moulages, qui ont été si vulgarisés dans ces derniers temps, du masque de Beethoven. Il l’avait empaqueté avec autant de soin que s’il s’était agi d’une œuvre d’art du plus haut prix. Il ne s’en séparait pas. C’était son île, au milieu de Paris. C’était aussi pour lui un baromètre moral. Le masque lui marquait, plus clairement que sa propre conscience, la température de son âme, ses plus secrètes pensées : tantôt le ciel chargé de nuées, tantôt le coup de vent des passions, tantôt le calme puissant.

Il avait dû rogner beaucoup sur sa nourriture.

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