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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 5.djvu/40

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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

lit, les mains jointes sous sa tête, il rêvassait. Bien que sa chambre fût éloignée de la rue, le grondement de Paris remplissait le silence ; la maison trépidait. — La nuit vint de nouveau, sans avoir apporté de lettre.

Une journée recommença, semblable à la précédente.

Le troisième jour, Christophe, que cette réclusion volontaire commençait à rendre enragé, se décida à sortir. Mais Paris lui causait, depuis le premier soir, une répulsion instinctive. Il n’avait envie de rien voir : nulle curiosité ; il était trop préoccupé de sa vie pour prendre plaisir à regarder celle des autres ; et les souvenirs de la vie passée, les monuments d’une ville, l’avaient toujours laissé indifférent. Aussi, à peine dehors, il s’ennuya tellement que, quoiqu’il eût décidé de ne pas retourner chez Kohn avant huit jours, il y alla, tout d’une traite.

Le garçon, qui avait le mot d’ordre, dit que M. Hamilton était parti de Paris pour affaires. Ce fut un coup pour Christophe. Il demanda en bégayant quand M. Hamilton devait revenir. L’employé répondit, au hasard :

— Dans une dizaine de jours.

Christophe s’en retourna, consterné, et se terra chez lui, pendant les jours suivants. Il lui était impossible de se remettre au travail. Il s’aperçut avec terreur que ses petites économies, — le peu d’argent que sa mère lui avait envoyé, soigneu-