Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 5.djvu/51

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Christophe rentra chez lui. La colère avait fait place à l’abattement. Il se sentait perdu. Le faible appui sur lequel il comptait s’était écroulé. Il ne doutait pas qu’il ne se fût fait un ennemi mortel, non seulement de Hecht, mais de Kohn, qui l’avait présenté. C’était la solitude absolue dans une ville ennemie. En dehors de Diener et de Kohn, il ne connaissait personne. Son amie Corinne, la belle actrice, avec qui il s’était lié en Allemagne n’était pas à Paris ; elle faisait encore une tournée à l’étranger, en Amérique, et cette fois pour son compte : car elle était devenue célèbre ; les journaux publiaient de bruyants échos de son voyage. Quant à la petite institutrice française, qu’il avait, sans le vouloir, fait renvoyer de sa place, et dont la pensée avait été longtemps pour lui comme un remords, combien de fois s’était-il promis de la retrouver, quand il serait à Paris[1] ! Mais maintenant qu’il était à Paris, il s’apercevait qu’il n’avait oublié qu’une chose : son nom. Impossible de se le rappeler. Il ne se

  1. Voir Jean-Christophe, IV. La Révolte.
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