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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

méprisaient, mais qu’ils enviaient encore plus. — Des rentes des auteurs ils passèrent à celles des critiques. Ils s’entretinrent de celles que touchait — (pure calomnie, sans aucun doute), — un de leurs confrères connu, pour chaque première représentation d’un théâtre des boulevards, afin d’en dire du bien. C’était un honnête homme : une fois le marché conclu, il le tenait loyalement ; mais son grand art était — (à ce qu’ils prétendaient) — de faire de la pièce des éloges qui la fissent tomber le plus promptement possible, afin qu’il y eût des premières souvent. Le conte — (ou le compte) — fit rire, mais n’étonna point.

Au travers de tout cela, ils disaient de grands mots ; ils parlaient de « poésie », d’ « art pour l’art ». Dans ce bruit de gros sous, cela sonnait : « l’art pour l’argent » ; et ces mœurs de maquignons, nouvellement introduites dans la littérature française, scandalisaient Christophe. Comme il ne comprenait rien aux questions d’argent, il avait renoncé à suivre la discussion, quand ils finirent par parler de littérature, — ou, tout au moins, de littérateurs. — Christophe dressa l’oreille, en entendant le nom de Victor Hugo.

Il s’agissait de savoir s’il avait été cocu. Ils discutèrent longuement sur les amours de Sainte-Beuve et de madame Hugo. Après quoi, ils parlèrent des amants de George Sand et de leurs mérites respectifs. C’était la grande occupa-