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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

nique. L’entrée était commune avec un music-hall. Par un boyau sinueux, on accédait à une salle sans dégagements : l’atmosphère était étouffante ; les sièges, trop étroits, entassés ; une partie du public se tenait debout, bloquant toutes les issues : — l’inconfortable français. Un homme, qui semblait rongé d’un incurable ennui, dirigeait au galop une symphonie de Beethoven, comme s’il avait hâte que ce fût fini. Les flonflons d’une danse du ventre venaient, du café-concert voisin, se mêler à la marche funèbre de l’Héroïque. Le public arrivait toujours, s’installait, se lorgnait. Quand il eut fini d’arriver, il commença de partir. Christophe tendait toutes les forces de son cerveau pour suivre le fil de l’œuvre, à travers cette foire ; et, au prix d’efforts énergiques, il parvenait à y avoir du plaisir, — (car l’orchestre était habile, et Christophe était sevré de musique symphonique depuis longtemps), — quand Goujart le prit par le bras, et lui dit, au milieu du concert :

— Maintenant, nous partons. Nous allons à un autre concert.

Christophe fronça le sourcil ; mais il ne répliqua point, et il suivit son guide. Ils traversèrent la moitié de Paris. Ils arrivèrent dans une autre salle, qui sentait l’écurie, et où, à d’autres heures, on jouait des féeries et des pièces populaires : — (la musique, à Paris, est comme ces ouvriers pauvres, qui se mettent à deux pour louer un logement : lorsque l’un sort du lit, l’autre entre