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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 5.djvu/81

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LA FOIRE SUR LA PLACE

cercle. Presque rien avant Beethoven. Presque rien après Wagner. Et dans l’intervalle, que de lacunes ! Il semblait que la musique se réduisît à cinq ou six noms célèbres en Allemagne, à trois ou quatre en France, et, depuis l’alliance franco-russe, à une demi-douzaine de morceaux moscovites. — Rien des anciens Français. Rien des grands Italiens. Rien des colosses Allemands du xviie et du xviiie siècle. Rien de la musique allemande contemporaine, à l’exception du seul Richard Strauss, qui, plus avisé que les autres, venait lui-même chaque année imposer ses œuvres nouvelles au public parisien. Rien de la musique belge. Rien de la musique tchèque. Mais le plus étonnant : presque rien de la musique française contemporaine. — Cependant, tout le monde en parlait, en termes mystérieux, comme d’une chose qui révolutionnait le monde. Christophe était à l’affût de toutes les occasions d’en entendre ; il avait une large curiosité, sans aucun parti pris : il brûlait du désir de connaître du nouveau, et d’admirer des œuvres de génie. Mais malgré tous ses efforts, il ne parvenait pas à en entendre : car il ne comptait pas trois ou quatre petits morceaux, assez finement écrits, mais froids et sagement compliqués, auxquels il n’avait pas prêté grande attention.