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ANTOINETTE

jouer, et la trouva étendue. Il lui demanda si elle était souffrante. Elle parla d’un peu de lassitude, et se releva pour lui tenir compagnie. Ils causèrent ; mais elle ne répondait pas tout de suite à ses questions : elle avait l’air de revenir de très loin ; elle souriait, rougissait, s’excusait sur un fort mal de tête qui la rendait toute sotte. Enfin, Olivier partit. Elle lui avait demandé de laisser le cahier de mélodies. Elle resta longtemps seule, dans la nuit, à les lire au piano, sans jouer, effleurant à peine une note de-ci de-là, très doucement, de peur que ses voisins ne se plaignissent. Elle ne lisait même pas, le plus souvent, elle rêvait, elle était emportée par un élan de gratitude et de tendresse vers cette âme qui avait eu pitié d’elle, qui avait lu en elle, avec l’intuition mystérieuse de la bonté. Elle ne pouvait fixer ses pensées. Elle était heureuse et triste, — triste !… Ah ! comme la tête lui faisait mal !

Elle passa la nuit dans des rêves doux