Aller au contenu

Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 7.djvu/171

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

159
DANS LA MAISON

tout, avec une docilité d’enfant ; il luttait contre ses nerfs, qui faisaient trembler sa main ; il se raidissait, les sourcils contractés ; la sueur coulait sur ses joues ; il ne disait pas un mot ; mais, de temps en temps, il avait un sursaut de colère ; puis, il se remettait à tirer. Il resta deux heures. Après deux heures, il mettait dans le but. Rien de plus intéressant que cette volonté domptant un corps gauche et rebelle. Elle inspirait du respect. Des railleurs du début, les uns étaient partis, les autres s’étaient tus peu à peu, et n’avaient pu se décider à abandonner le spectacle. Ils saluèrent amicalement Christophe, quand il partit.

En rentrant, Christophe trouva le bon Mooch, qui l’attendait, inquiet. Mooch avait appris l’altercation, et il était accouru ; il voulait savoir la cause de la querelle. Malgré les réticences de Christophe qui ne voulait pas accuser Olivier, il finit par deviner. Comme il était de sang-froid et qu’il connaissait les deux amis, il ne douta point qu’Olivier ne fût innocent de la petite trahison qui lui était imputée. Il se mit en quête, et n’eut pas de peine à découvrir que tout le mal venait des bavardages de Colette et de Lévy-Cœur. Il revint précipitamment en apporter la preuve à Christophe ; il se figurait ainsi empêcher la rencontre. Mais ce fut tout le contraire : Christophe n’en conçut que plus de ressentiment contre Lévy-Cœur, quand il sut que, grâce à lui, il avait pu douter de son ami. Pour se débarrasser de Mooch,