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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

Après lui, descendirent le comte Bloch, un sportsman connu par ses maîtresses, sa collection de ciboires anciens, et ses opinions ultra-royalistes, — Léon Mouey, un autre homme à la mode, député par littérature, et littérateur par ambition politique, jeune, chauve, rasé, une figure hâve et bilieuse, le nez long, les yeux ronds, un crâne d’oiseau, — enfin, le docteur Emmanuel, type de sémite très fin, bienveillant et indifférent, membre de l’Académie de médecine, directeur d’un hôpital, célèbre par de savants livres et par un scepticisme médical, qui lui faisait écouter avec une compassion ironique les doléances de ses malades, sans rien tenter pour les guérir.

Les nouveaux venus saluèrent courtoisement les autres. Christophe répondit à peine, mais remarqua avec dépit l’empressement de ses témoins et les avances exagérées qu’ils firent aux témoins de Lévy-Cœur. Jullien connaissait Emmanuel, et Goujart connaissait Mouey ; et ils s’approchèrent, souriants et obséquieux. Mouey les accueillit avec une froide politesse, et Emmanuel avec son sans-façon railleur. Quant au comte Bloch, resté près de Lévy-Cœur, d’un regard rapide il venait de faire l’inventaire des redingotes et du linge de l’autre camp, et il échangeait avec son client de brèves impressions bouffonnes, sans presque ouvrir la bouche, — calmes et corrects tous deux.

Lucien Lévy-Cœur attendait, très à l’aise, le signal du comte Bloch, qui dirigeait le combat. Il