Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 7.djvu/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

166
JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

rire éternel, cette comédie l’indigna. Il jeta rageusement son arme à terre, bouscula Goujart, et se précipita sur Lucien Lévy-Cœur. On eut toutes les peines du monde à l’empêcher de continuer le combat, à coups de poing.

Les témoins s’étaient interposés, tandis que Lévy-Cœur s’éloignait. Christophe se dégagea de leur groupe, et, sans écouter leurs rires et leurs objurgations, il s’en alla à grands pas vers le bois, en parlant haut et en faisant des gestes furieux. Il ne s’apercevait même pas qu’il avait laissé sur le terrain son veston et son chapeau. Il s’enfonça dans la forêt. Il entendit ses témoins l’appeler, en riant ; puis, ils se lassèrent, et ne s’inquiétèrent plus de lui. Un roulement de voitures qui s’éloignaient lui apprit bientôt qu’ils étaient partis. Il resta seul, au milieu des arbres silencieux. Sa fureur était tombée. Il se jeta par terre, et se vautra dans l’herbe.

Peu après, Mooch arrivait à l’auberge. Il était, depuis le matin, à la poursuite de Christophe. On lui dit que son ami était dans les bois. Il se mit à sa recherche. Il battit tous les taillis, il l’appela à tous les échos, et il revenait bredouille, quand il l’entendit chanter ; il se guida d’après la voix, et il finit par le trouver dans une petite clairière, les quatre fers en l’air, se roulant comme un jeune veau. Lorsque Christophe le vit, il l’interpella joyeusement, il l’appela « son vieux Moloch », il lui conta qu’il avait troué