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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 7.djvu/198

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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

les libres-penseurs qui cherchaient à exploiter ses pensées, à se servir de lui contre sa foi, également incompris et traqué par ses coreligionnaires et par les ennemis de sa religion. Impossible de résister : car il faut se soumettre. Impossible de se soumettre, du cœur : car on sait que l’autorité se trompe. Angoisse de ne pas parler. Angoisse de parler et d’être faussement interprété. Sans compter les autres âmes, dont on est responsable, tous ceux qui attendent de vous un conseil, une aide, et que l’on voit souffrir… L’abbé Corneille souffrait pour eux et pour lui, mais il se résignait. Il savait combien peu comptent les jours d’épreuves, dans la longue histoire de l’Église. — Seulement, à se replier en lui, dans sa résignation muette, il s’anémiait lentement, il prenait une timidité, une peur de parler, qui lui rendait de plus en plus difficile la moindre démarche, et peu à peu l’enveloppait d’une torpeur de silence. Il s’y sentait tomber avec tristesse, mais sans réagir. La rencontre de Christophe lui fut d’un grand secours. La juvénile ardeur, l’intérêt affectueux et naïf que son voisin lui témoignait, ses questions parfois indiscrètes, lui faisaient du bien. Christophe le forçait à rentrer dans la compagnie des vivants.

Aubert, l’ouvrier électricien, se rencontra une fois avec lui chez Christophe. Il fit un haut-le-corps, quand il vit le prêtre. Il eut bien de la peine à cacher sa répulsion. Même quand ce pre-