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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

littérature. Les fantassins font de la sociologie. Ils font de tout, sauf de la guerre. Ils n’y préparent même plus, ils préparent à ne plus la faire ; ils font la philosophie de la guerre… La philosophie de la guerre ! Un jeu d’ânes battus, qui méditent sur les coups qu’ils recevront un jour !… Discutailler, philosophailler, non, ce n’est pas mon affaire. Autant rentrer chez moi, et fabriquer mes canons !

Il ne disait point, par pudeur, les pires de ses griefs : la suspicion jetée entre les officiers par l’appel aux délateurs, l’humiliation de subir les ordres insolents de tels politiciens ignares et malfaisants, la douleur de l’armée, employée aux basses besognes de police, aux inventaires d’églises, à la répression des grèves ouvrières, aux services des intérêts et des rancunes du parti au pouvoir — ces petits bourgeois radicaux et anticléricaux — contre le reste du pays. Sans parler du dégoût de ce vieil Africain pour la nouvelle armée coloniale, recrutée en majeure partie dans les pires éléments de la nation, afin de ménager l’égoïsme et la lâcheté des autres, qui refusent de prendre part à l’honneur et aux risques d’assurer la défense de « la plus grande France », — la France d’au delà les mers.

Christophe n’avait pas à se mêler de ces querelles françaises : cela ne le regardait pas ; mais il sympathisait avec le vieil officier. Quoi qu’il pensât de la guerre, il estimait qu’une armée est