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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 7.djvu/232

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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

plus d’air respirable autour d’elle. Elle se mit à lire ; elle sortit un peu plus ; elle s’intéressait à plus de choses. Et un jour que Christophe bataillait contre son père à propos des Elsberger, le commandant la vit sourire ; il lui demanda ce qu’elle pensait ; elle répondit tranquillement :

— Je pense que M. Krafft a raison.

Le commandant, interloqué, dit :

— C’est un peu fort !… Enfin, raison ou tort, nous sommes bien comme nous sommes. Nous n’avons pas besoin de voir ces gens-là. N’est-ce pas, fillette ?

— Mais si, papa, répondit-elle, cela me ferait plaisir.

Le commandant se tut, et feignit de n’avoir pas entendu. Il était lui-même beaucoup moins insensible à l’influence de Christophe qu’il ne voulait en avoir l’air. Son étroitesse de jugement et sa violence ne l’empêchaient point d’avoir un sens très droit et de la générosité de cœur. Il aimait Christophe, il aimait sa franchise et sa santé morale, il avait souvent le regret cuisant que Christophe fût un Allemand. Il avait beau s’emporter, dans les discussions avec lui : il cherchait ces discussions ; et les arguments de Christophe ne laissaient pas de le travailler. Il se fût bien gardé de le reconnaître jamais. Mais un jour, Christophe le trouva lisant attentivement un livre qu’il refusa de lui laisser voir. En reconduisant Christophe, Céline, seule avec lui, dit :