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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

arrêtés et ils ne bougeaient plus. Chacun songeait à ses deuils. Olivier pensait :

— Antoinette, où es-tu ?

Et Christophe :

— Que me fait le succès, à présent qu’elle n’est plus ?

Mais chacun entendit la voix consolatrice de ses morts :

— Bien-aimé, ne pleure pas sur nous. Ne pense pas à nous. Pense à lui…

Ils se regardèrent tous deux, et chacun ne sentit plus sa peine, mais celle de son ami. Ils se prirent la main. Une sereine mélancolie les enveloppait tous deux. Doucement, sans un souffle d’air, le voile de vapeurs s’effaçait ; le ciel bleu refleurissait. Douceur attendrissante de la terre après la pluie… Si près de nous, si tendre !… Elle vous prend dans ses bras, sur son sein, avec un beau sourire affectueux ; et elle vous dit :

— Repose. Tout est bien…

Le cœur de Christophe se détendait. Il était comme un petit enfant. Depuis deux jours, il vivait tout entier dans le souvenir de la chère maman, l’atmosphère de son âme ; il revivait l’humble vie, les jours uniformes, solitaires, passés dans le silence de la maison sans enfants, et dans la pensée des enfants qui l’avaient laissée, la pauvre vieille femme, infirme et vaillante, avec sa foi tranquille, sa douce bonne humeur, sa résignation souriante, son absence d’égoïsme…