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DANS LA MAISON

pansion et son trop-plein de vie, les enveloppait tous, sans qu’ils le sussent, de sa vaste sympathie, aveugle et clairvoyante. Il ne les comprenait pas. Il n’avait pas les moyens de les comprendre. Il lui manquait l’intelligence psychologique d’Olivier. Mais il les aimait. D’instinct, il se mettait à leur place. Lentement montait en lui, par mystérieux effluves, la conscience obscure de ces vies voisines et lointaines, l’engourdissement de douleur de la femme en deuil, le silence stoïque des pensées orgueilleuses : du prêtre, du juif, de l’ingénieur, du révolutionnaire ; la flamme pâle et douce de tendresse et de foi qui, sans bruit, consumait les deux cœurs des Arnaud ; l’aspiration naïve de l’homme du peuple vers la lumière ; la révolte refoulée et l’action inutile que l’officier étouffait en lui ; et le calme résigné de la jeune fille, qui rêvait à l’ombre des lilas. Mais cette musique silencieuse des âmes, Christophe était le seul à la pénétrer ; ils ne l’entendaient pas ; chacun s’absorbait dans sa tristesse et dans ses rêves.

Tous travaillaient d’ailleurs, et le vieux savant sceptique, et l’ingénieur pessimiste, et le prêtre, et l’anarchiste, et tous ces orgueilleux, ou ces découragés. Et, sur le toit, le maçon chantait.