Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 8.djvu/237

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

227
LES AMIES

dépravations physiques et morales, et qui les excuserait, — sur-le-champ, les crimes naîtraient. L’homme même, il suffit de lui répéter qu’il n’est point libre, pour qu’il ne le soit plus et se livre à la bête. Dites à la femme qu’elle est responsable, maîtresse de son corps et de sa volonté, — et elle le sera. Mais lâches que vous êtes, vous vous gardez bien de le dire : car vous avez intérêt à ce qu’elle ne le sache point !…

Le triste milieu où se trouvait Jacqueline acheva de l’égarer. Depuis qu’elle s’était détachée d’Olivier, elle était rentrée dans ce monde qu’elle méprisait quand elle était jeune fille. Autour d’elle et de ses amies mariées s’était formée une petite société de jeunes hommes et de jeunes femmes riches, élégants, désœuvrés, intelligents et veules. Il y régnait une liberté absolue de pensée et de propos, que tempérait seulement, en l’assaisonnant, l’esprit. Volontiers ils eussent pris la devise de l’abbaye Rabelaisienne :


Fais ce que Vouldras.


Mais ils se vantaient un peu : car ils ne voulaient pas grand’chose ; c’étaient les énervés de Thélème. Ils professaient avec complaisance la liberté des instincts ; mais ces ins-