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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 8.djvu/255

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LES AMIES

essuyer doucement la poussière qui s’était attachée à leurs flancs, à les replacer avec mille égards dans leur coin habituel. Elle tenait un entretien silencieux avec eux. Elle souriait au beau meuble ancien, le seul qu’elle possédât, un fin bureau à cylindre Louis XVI. Elle éprouvait, chaque jour, la même joie à le voir. Elle n’était pas moins occupée de faire la revue de son linge : elle passait des heures debout sur une chaise, la tête et les bras enfoncés dans la grande armoire paysanne, regardant et rangeant, tandis que le chat, intrigué, des heures la regardait.

Mais le bonheur était quand, toutes les affaires finies, après avoir déjeuné seule, Dieu sait comment — (elle n’avait pas grand appétit), — après avoir fait au dehors les courses indispensables, sa journée terminée, elle rentrait vers quatre heures, et s’installait à sa fenêtre, ou près du feu, avec son ouvrage et son minet. Parfois, elle trouvait un prétexte pour ne pas sortir du tout ; elle était heureuse quand elle pouvait rester enfermée, surtout l’hiver, lorsqu’il neigeait. Elle avait horreur du froid, du vent, de la boue, de la pluie, étant elle aussi une petite chatte très propre, délicate et douillette. Elle eût mieux aimé ne pas manger que sortir pour chercher son dé-