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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 8.djvu/257

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LES AMIES

lentement. Mme Arnaud n’avait aucun doute que la vie de ces êtres de romans ne fût aussi réelle que la sienne, Il en était à qui elle eût voulu se dévouer : la tendre jalouse, lady Castlewood, l’amoureuse silencieuse, au cœur maternel et virginal, lui était une sœur ; le petit Dombey était son cher petit enfant ; elle était Dora, la femme-enfant, qui va mourir ; elle tendait les bras vers toutes ces âmes d’enfants, qui traversent le monde avec des yeux braves et purs ; et autour d’elle passait un cortège d’aimables gueux et d’originaux inoffensifs, poursuivant leurs chimères ridicules et touchantes, — et à leur tête, l’affectueux génie du bon Dickens, riant et pleurant à la fois à ses rêves. À ces moments, quand elle regardait par la fenêtre, elle reconnaissait parmi les passants telle silhouette aimée ou redoutée de ce monde imaginaire. Derrière les murs des maisons, elle devinait des vies semblables, les mêmes vies. Si elle n’aimait pas à sortir, c’était qu’elle avait peur de ce monde, plein de mystères émouvants. Elle apercevait autour d’elle des drames qui se cachent, des comédies qui se jouent. Ce n’était pas toujours une illusion. Dans son isolement, elle était parvenue à ce don d’intuition mystique, qui fait voir dans les regards qui passent bien