daine, des parlottes philanthropiques, de ce mélange odieux de frivolité, de bienfaisance et de bureaucratie, de cette façon de jouer avec la misère, entre deux flirts, en papotant ! Quand l’une d’elles, écœurée, a l’incroyable audace de se risquer seule au milieu de cette misère qu’elle ne connaît que par ouï-dire, quelle vision pour elle ! presque impossible à supporter ! C’est un enfer. Que peut-elle pour lui venir en aide ? Elle est noyée dans cette mer d’infortunes. Elle lutte cependant, elle s’efforce de sauver quelques-uns de ces malheureux, elle s’épuise pour eux, elle se noie avec eux. Trop heureuse, si elle a réussi à en sauver un ou deux ! Mais elle, qui la sauvera ? Qui s’inquiétera de la sauver ? Car elle souffre, elle aussi, de toute la souffrance des autres et de la sienne ; à mesure qu’elle donne sa foi, elle en a moins pour elle ; toutes ces misères s’accrochent désespérément à elle ; et elle n’a rien à quoi se retenir. Personne ne lui tend la main. Et parfois, on lui jette la pierre… Vous avez connu, Christophe, cette femme admirable qui s’était donnée à l’œuvre de charité la plus humble et la plus méritoire : elle recueillait chez elle les prostituées des rues qui venaient d’accoucher, les malheureuses filles dont l’Assistance publique ne voulait
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LES AMIES