Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 8.djvu/308

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

298
LA FIN DU VOYAGE

cert où il avait été sifflé et où elle avait pleuré, et la lettre qu’elle lui écrivit et à laquelle il ne répondit jamais : car il ne l’avait pas reçue. Et Christophe, en l’écoutant, de bonne foi projetait dans le passé son émotion présente et la tendresse qui le pénétrait pour le tendre visage qui était penché vers lui.

Ils causaient innocemment, avec une joie affectueuse. Et Christophe, en parlant, prit la main de Grazia. Et brusquement ils s’arrêtèrent tous deux : car Grazia s’aperçut que Christophe l’aimait. Et Christophe s’en aperçut aussi…

Grazia, pendant un temps, avait aimé Christophe sans que Christophe s’en souciât. Maintenant Christophe aimait Grazia ; et Grazia n’avait plus pour lui qu’une paisible amitié : elle en aimait un autre. Comme il arrive souvent, il avait suffi que l’une des deux horloges de leurs vies fût en avance sur l’autre, pour que toute leur vie, à tous deux, fût changée…

Grazia retira sa main, que Christophe ne retint point. Et ils restèrent, un moment, interdits, sans parler.

Et Grazia dit :

— Adieu.

Christophe répéta sa plainte.