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LES AMIES

Il le regarda affectueusement, malicieusement, s’en alla dans sa chambre, et là, quand il fut seul, il se mit à rire, rire tout bas, jusqu’aux larmes :

— La mâtine ! pensait-il. Elle se moquait de moi ! Lui aussi, me trompait. Comme ils cachaient leur jeu !

À partir de ce moment, il arracha de son cœur toute pensée personnelle, à l’égard de Jacqueline ; et comme une brave mère poule couve jalousement son œuf, il couva le roman des deux petits amants. Sans avoir l’air de connaître leur secret à tous deux, et sans le livrer, de l’un à l’autre, il les aida, à leur insu.

Il crut de son devoir, gravement, d’étudier le caractère de Jacqueline, pour voir si Olivier pourrait être heureux avec elle. Et, comme il était maladroit, il agaçait Jacqueline par les questions saugrenues qu’il lui posait, sur ses goûts, sur sa moralité, etc.

— Voilà un imbécile ! De quoi se mêle-t-il ? pensait Jacqueline, furieuse, qui ne lui répondait pas, et lui tournait le dos.

Et Olivier s’épanouissait de voir que Jacqueline ne faisait plus attention à Christophe, Et Christophe s’épanouissait de voir qu’Olivier était heureux. Sa joie s’étalait même,