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LA FIN DU VOYAGE

ouverte, l’air lumineux riait. Christophe se sentait déchargé d’un poids écrasant. Il se leva et descendit au jardin. Un rectangle étroit, enfermé dans de hauts murs, à l’aspect de couvent. Quelques allées sablées, entre des carrés de gazon et de fleurs bourgeoises ; un berceau où s’enroulaient une treille et des roses. Un filet d’eau minuscule s’égouttait d’une grotte en rocaille ; un acacia adossé au mur penchait ses branches odorantes sur le jardin voisin. Par delà s’élevait la vieille tour de l’église, en grès rouge. Il était quatre heures du soir. Le jardin se trouvait déjà dans l’ombre. Le soleil baignait encore la cime de l’arbre et le clocher rouge. Christophe s’assit sous la tonnelle, le dos tourné au mur, la tête renversée en arrière, regardant le ciel limpide parmi les entrelacs de la vigne et des roses. Il lui semblait s’éveiller d’un cauchemar. Un silence immobile régnait. Au-dessus de sa tête, une liane de roses languissamment pendait. Soudain, la plus belle s’effeuilla, expira ; la neige de ses pétales se répandit dans l’air. C’était comme une belle vie innocente qui mourait. Si simplement !… Dans l’esprit de Christophe, cela prit une signification d’une douceur déchirante. Il suffoqua ; et, se cachant la figure dans ses mains, il sanglota…