été capables de mourir à la tâche, à leur poste, immobiles, le poing au gouvernail et les yeux immuablement fixés sur le but invisible.
La conscience de cette faiblesse foncière coupait les jarrets à la révolution. Ces ouvriers passaient une partie de leur temps à s’accuser mutuellement. Leurs grèves échouaient toujours, par suite des dissentiments perpétuels entre les chefs ou entre les corps de métier, entre les réformistes et les révolutionnaires, — de la timidité profonde sous les fanfaronnades menaçantes, — de l’hérédité moutonnière qui, à la première sommation légale, faisait rentrer sous le joug ces révoltés, — du lâche égoïsme et de la bassesse de ceux qui profitaient de la révolte des autres pour se pousser auprès des maîtres, pour faire valoir et payer cher leur fidélité intéressée. Sans parler du désordre inhérent aux foules, de l’anarchie populaire. Ils voulaient bien faire des grèves corporatives qui eussent tous les caractères révolutionnaires ; mais ils ne voulaient pas qu’on les traitât en révolutionnaires. Ils n’avaient aucun goût pour les baïonnettes. Ils s’imaginaient qu’on pouvait faire l’omelette sans casser d’œufs. En tout cas, ils aimaient mieux que les œufs fussent cassés par d’autres.