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116 L’ÂME ENCHANTÉE

fois. Elle ne paraissait plus du tout à son avantage. Elle devint même laide, à mesure qu’elle se sentit vaincue.

La triomphante Sylvie, sûre de la partie gagnée, lorgnait Annette désemparée, avec une ironie satisfaite, poivrée d’un grain de méchanceté, — et quelque pitié, au fond…

— Eh bien, tu as ton compte ?… C’est cela que tu voulais ?… Tu en fais, une mine !… Un pauvre chien battu…

Et elle avait envie de courir l’embrasser. Mais quand elle s’approchait, Annette lui témoignait une telle animosité que Sylvie, vexée, lui tournait le dos, bougonnant :

— Tu ne veux pas, ma fille ?… À ta guise ! Arrange-toi !… Je suis bien bonne !… Chacun pour soi, et zut pour les autres !… Après tout, si elle souffre, cette idiote, c’est sa faute ! Pourquoi est-elle toujours si ridiculement sérieuse ?

(C’était ce qu’ils pensaient tous.)

Annette finit par se retirer du combat. Sylvie, avec Tullio, organisait une soirée de tableaux vivants, où elle devait se montrer avec tous ses charmes, et quelques autres en plus… (Elle était une petite magicienne de Paris, qui savait, avec un lambeau d’étoile, se métamorphoser en une série de « doubles », tous plus jolis que l’original, mais qui, en le complétant, le faisaient